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L’ONCLE BARBE-BLEUE

Ce fut ce moment que Geneviève choisit pour venir s’asseoir sur le rebord de sa fenêtre.

En voyant Valentine, qu’elle croyait à demi-morte, paisiblement assise entre un singe et un perroquet, servie par le « diable » du grenier, et engagée dans une conversation animée avec un jeune garçon inconnu, au teint olivâtre, aux allures étranges, Geneviève avait d’abord poussé un cri de surprise, auquel en répondirent trois autres quand elle vint rouler comme une balle au milieu de la chambre.

Cette manière d’entrer chez les gens sans crier gare, à l’instant même où ils déclaraient ne vouloir voir personne, était si drôle, que Luis se mit à rire de bon cœur, une fois la première surprise passée.

— Quand je vous disais que Geneviève n’avait pas sa pareille ! s’écria Valentine.

On s’expliqua de part et d’autre. Comment Luis aurait-il pu résister à la franche gaîté de Geneviève ? Comment aurait-il pu avoir la cruauté de la mettre à la porte, quand elle arrivait avec l’intention de sauver son amie Valentine, et par contre-coup « le prisonnier » ?

Je laisse à penser si l’on rit de la frayeur des fillettes et de leur projet de fuite. Luis s’indigna fort, puis s’amusa beaucoup de l’idée de transformer en Barbe-Bleue un père chéri, qui n’avait d’autre défaut que de trop aimer et trop gâter son fils unique…

Geneviève très fine, avait vite deviné la situation. Son entrain ordinaire, joint à une petite pointe de sentiment qui la rendait tout à fait irrésistible, eut bientôt séduit Luis. Elle mettait une telle animation dans cette chambre jadis silencieuse, que c’était à ne pas la reconnaître. Elle fut bientôt