Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/191

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supposition fût vraie, Groutchnitski m’a envoyé un regard de mécontentement.

Après la soirée, vers onze heures, je suis allé me promener dans l’allée, sous les tilleuls du boulevard. La ville dormait, cependant on voyait encore de la lumière à quelques fenêtres. De trois côtés, des rochers ; c’est la chaîne du Machuk, au sommet de laquelle s’étend un nuage de mauvais augure. La lune s’est levée à l’orient ; au loin les montagnes couvertes de neige brillent comme une frange d’argent. Les cris des sentinelles se mêlent au bruit des sources minérales ouvertes pendant la nuit. De temps en temps le pas sonore d’un cheval retentit dans les rues ; le claquement du fouet des postillons lui forme un accompagnement, auquel se joint un refrain tartare. Je me suis assis sur un banc et me suis mis à rêver…

Je sentais le besoin d’épancher mes pensées dans une conversation amicale… mais avec qui ? Que fait Viéra maintenant ? je donnerais bien des choses pour lui serrer la main en ce moment.

Soudain, j’entends des pas rapides et inégaux ; sûrement c’est Groutchnitski, et c’est lui en effet.