Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/204

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— Comment ! mais hier ! Est-ce que tu as déjà oublié ? Marie m’a tout raconté.

— Ah ! mais, est-ce que tout est déjà commun entre vous, même la reconnaissance ?

— Écoute, m’a dit Groutchnitski très sérieusement, ne te moque pas, je t’en prie, de mon amour, si tu veux rester mon ami ; j’aime Marie à la folie ; et je crois, et j’espère qu’elle m’aimera aussi. J’ai une prière à te faire : tu iras chez elle ce soir ; promets-moi de tout observer. Je sais que tu es très habile à cela et que tu connais mieux les femmes que moi. Ah ! les femmes ! les femmes, qui peut les deviner ? Leurs sourires contredisent leurs regards, leurs paroles promettent et engagent et le son de leur voix repousse ; tantôt elles pénètrent et devinent nos plus secrètes pensées, tantôt elles ne comprennent plus nos plus claires allusions. Voilà ce qu’est la jeune princesse ; hier, ses yeux brillaient passionnément en s’arrêtant sur moi ; maintenant ils sont éteints et froids.

— C’est peut-être la conséquence de l’effet des eaux ! lui ai-je dit.

— Tu vois tout de travers ; tu es décidément un matérialiste, a-t-il ajouté avec dédain ; chan-