Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/27

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— Oui ! murmura-t-il, il m’est arrivé bien des choses !

Cette exclamation augmenta mon espoir ; je savais que les vieux du Caucase aiment à raconter et longuement : l’occasion leur en est si rarement donnée ! On passe quelquefois cinq années entières dans un lieu écarté et pendant ce temps, pas un homme ne vous dit simplement bonjour : c’est à peine si le sergent-major lui-même, vous salue par ces mots : « Votre seigneurie, je vous souhaite une bonne santé ; » et cependant il y aurait de quoi causer, car on a autour de soi des peuples sauvages et bien curieux à étudier.

Là, chaque jour est un danger ; des événements merveilleux surviennent et il est regrettable que nous écrivions si rarement.

— Ne voulez-vous pas ajouter du rhum à votre thé, dis-je à mon compagnon de causerie ; j’en ai du blanc de Tiflis ? il fait si froid ce soir.

— Non ! je vous remercie, je ne bois pas.

— Pourquoi cela ?

— Ah ! c’est comme cela ; je me le suis juré, lorsque je n’étais encore que sous-lieutenant, et