Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/317

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Devant moi était étendu un porc presque coupé en deux par un coup de sabre… Je venais à peine de le voir, que j’entendis un bruit de pas. Deux Cosaques accouraient d’une rue ; l’un vint à moi et me demanda si je n’avais pas vu un Cosaque ivre qui courait après un porc.

Je leur déclarai que je n’avais pas rencontré de Cosaque, mais je leur montrai la malheureuse victime de sa furieuse bravoure.

« Ce brigand ! dit le second Cosaque, quand il a bu du vin nouveau, il faut qu’il mette en pièces tout ce qu’il trouve. Courons après lui, Eremeitch ; il faut l’atteindre, car… »

Ils disparurent, je continuai mon chemin avec beaucoup de prudence et enfin je parvins heureusement jusqu’à mon logement.

Je demeurais chez un vieux sous-officier que j’aimais pour sa bonne humeur, mais surtout à cause de sa jolie fille Nastia.

Selon l’habitude, elle m’avait attendu pour m’ouvrir la porte, enveloppée dans sa pelisse. La lune me montra ses chères petites lèvres bleuies par le froid de la nuit. En me reconnaissant, elle sourit, mais je n’allai point jusqu’à elle.

« Adieu Nastia ! » lui dis-je, en passant près