Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sommes pas habitués à croire aux inscriptions. Il nous fallait descendre encore cinq verstes sur des rochers couverts de glace et de neige fondante, pour arriver jusqu’au relais de Kobi ; les chevaux étaient harassés et nous, transis de froid. La tempête grondait de plus en plus fort. C’était bien celle qui rugit dans nos pays septentrionaux ; mais ses lamentations étaient plus accentuées et plus tristes. Te voilà proscrite ! pensais-je ; tu pleures sans doute tes immenses et planes steppes, où tes froides ailes peuvent s’étendre à leur aise, tandis qu’ici, trop serrée, tu étouffes comme un aigle prisonnier, qui ronge en criant, les barreaux de fer de sa cage !

« Voilà qui va mal, dit le capitaine. Regardez ; autour de nous, on ne voit plus que l’obscurité et la neige. Songez donc, si nous allions tomber dans un précipice ou nous enfoncer dans un trou comme il est arrivé à Baïdar ; nous n’en sortirions pas. Oh ! je la connais, cette Asie ! quels habitants ! quelles montagnes ! quels torrents ! c’est inhabitable ! »

Nos postillons se mirent, en criant, à tirer et à frapper les chevaux ; ceux-ci hennissaient, se campaient et ne voulaient, pour rien au monde, faire