Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pierre et en cailloux et entourées d’un mur semblable. Les maîtres, en haillons, descendirent et nous accueillirent cordialement. Je sus plus tard que le gouvernement les paie et les nourrit à la condition d’accueillir les voyageurs surpris par la tempête.

— Tout va pour le mieux, dis-je en m’asseyant près du feu ; maintenant vous me finirez l’histoire de Béla. Je suis certain que vous avez envie de me l’achever !

— Mais pourquoi croyez-vous cela ? me répondit le capitaine, en m’observant avec un regard fin.

— Parce qu’il est dans l’ordre des choses de finir un portrait quand on l’a commencé.

— Effectivement ! vous avez deviné.

— J’en suis très content !

— Vous faites bien de vous réjouir ; mais, pour moi, c’est un pénible souvenir. Quelle charmante enfant c’était, que cette Béla ! je l’accueillais comme si elle eût été ma fille et elle m’aimait bien ! Il faut vous dire que je n’ai plus de famille ; depuis douze ans je n’avais eu aucune nouvelle de mon père et de ma mère et je n’avais point encore songé à prendre femme. Tel je suis,