Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/72

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sangliers, mais il n’était guère possible de dépasser les remparts de la forteresse. Un jour où je l’observais, je le trouvai tout pensif et le vis marcher dans sa chambre les mains croisées derrière lui ; une autre fois, sans rien dire, il partit pour la chasse et disparut toute la matinée. Bientôt cela devint de plus en plus fréquent ; je me disais : ce n’est pas bien, et certainement quelque chat noir a passé entre eux[1] ?

Un matin, j’entre chez eux ; Béla était assise sur son lit, dans l’ombre, enveloppée dans sa robe tartare, mais si pâle et si triste que j’en fus effrayé.

— Où est Petchorin ?

— À la chasse.

— Est-il parti aujourd’hui ?

Elle, se tut comme si elle souffrait de me le dire.

— Non, hier ! dit-elle enfin en soupirant péniblement.

— Est-ce qu’il ne lui est rien arrivé ?

— Hier, dit-elle en fondant en larmes, j’ai pensé tout le jour qu’il avait pu lui arriver

  1. Locution russe.