Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/89

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dit enfin qu’elle mourrait dans la croyance où elle était née. C’est ainsi que s’écoula la journée. Comme elle avait changé, en un seul jour ! Ses joues pâles s’étaient creusées ; ses yeux avaient grandi, grandi ; ses lèvres brûlaient ; elle ressentait une chaleur intérieure comme si, dans son sein, elle avait eu un fer rouge !

La seconde nuit vint ; nous ne fermâmes pas les yeux et ne quittâmes pas son chevet. Elle souffrait horriblement, elle gémissait, et dès que la douleur lui laissait un peu de répit, elle s’efforçait de persuader à Grégoire qu’il devait lui faire plaisir en allant prendre un peu de repos. Elle embrassait ses mains et les touchait sans cesse avec les siennes. Avant le matin, elle ressentit les premières atteintes de la mort, elle s’agita, arracha son bandage et le sang coula de nouveau. Lorsqu’on eut pansé sa plaie, elle se calma un moment, puis demanda Petchorin, afin de l’embrasser encore. Il se mit à genoux à côté du lit, leva la tête de Béla de dessus l’oreiller, et colla sa bouche sur ses lèvres froides ; elle entoura fortement son cou de ses bras tremblants, comme si elle voulait lui donner son âme dans un baiser. Oui ! elle fit bien de mourir ! car que