Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/91

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vu mourir bien des hommes dans les ambulances ou sur les champs de bataille ; mais ce n’était plus cela ! ce n’était pas du tout cela !

Je dois vous avouer ce qui m’attriste encore : En face de la mort, elle ne se souvint pas un instant de moi ; et moi, il me semble que je l’aimais comme un père !… Mais que Dieu lui pardonne ! car en vérité, pourquoi aurais-je voulu qu’elle songeât à moi devant la mort ?

Lorsqu’elle eut bu toute cette eau, elle parut soulagée et trois minutes après, elle exhala son dernier soupir !…

Nous plaçâmes un miroir devant ses lèvres, mais pas le moindre souffle ne vint en ternir le poli.

J’éloignai Petchorin de cette chambre, et nous allâmes sur le rempart de la forteresse, où nous nous promenâmes longtemps de long en large, côte à côte, sans dire une parole et nos mains croisées derrière le dos. Son visage n’exprimait rien de particulier, et moi j’étais fort triste ; à sa place, je serais mort de douleur ! Enfin il s’assit à l’ombre et avec un bâton dessinait sur le sable. Par convenance je cherchai à le consoler et me mis à lui parler. Il leva la tête et