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L’HOMME QUI REVIENT DE LOIN

rêvais pas tout éveillée… c’est assez naturel !… Le malheur est que justement aujourd’hui il ne soit pas venu ! car nous aurions pu causer tous les quatre !… »

Ayant dit ces choses, non point dans le rêve, mais « dans la vie » et fort posément, elle leur serra la main à tous deux comme à de bonnes vieilles connaissances qu’elle était heureuse d’avoir rencontrées avant de rentrer chez elle, et elle rentra, en effet, chez elle, en refermant soigneusement la petite porte du jardin.

« Ce qu’il y a d’extraordinaire, dit Fanny à Jacques, quand ils se retrouvèrent seuls…

— C’est que nous soyons ici, répondit Jacques… Allons-nous-en !…

— Je ne l’ai jamais vue aussi lucide !… Elle raisonne fort bien !… Et, tu vois, pas plus que nous, elle n’a aperçu de fantôme…

— Allons-nous-en !… »

Mais tout à coup, ils tressaillirent tous les deux, car ils venaient d’entendre à nouveau, dans la nuit, le bruit de chaînes…

Ils se dissimulèrent aussitôt derrière leurs planches, et, avidement, regardèrent…

Ils aperçurent alors une forme penchée qui glissait sur les eaux pâles, qui disparaissait un instant derrière les saules, qui faisait encore entendre un bruit de chaînes et qui réapparaissait sur la berge où elle se mettait à marcher avec des gestes bizarres.

« Mais c’est Prosper le bancal !… fit Jacques…

— Le sourd-muet !… dit Fanny… Tiens, il