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L’HOMME QUI REVIENT DE LOIN

ce que la garde-malade qui y était installée sur un canapé ne les vînt point déranger ?

La garde dormait ; Fanny ferma la porte et revint près de son mari.

Alors, Jacques étreignit Fanny et lui souffla à l’oreille ces mots qu’elle comprit tout de suite : « Je l’ai vu ! »

Elle lui prit son pauvre visage entre ses mains douces et tendres ; elle roula cette tête criminelle, qui avait souffert pour elle, sur sa poitrine compatissante, et elle lui dit tout bas :

« Tais-toi ! Tais-toi ! Tu as été très malade !… Si tu pouvais pleurer !… Pleure, mon chéri, pleure, cela te fera du bien !… Ne pense plus à rien !… Si tu veux guérir, il ne faut plus penser à rien !… »

Mais l’autre reprit, en tremblant comme un enfant dans les bras de sa mère :

« Tu sais ? Tu le sais bien ?… Pourquoi fais-tu celle qui ne le sait pas ?… Tu sais bien que j’ai été mort !

— Très malade ! Très malade ! tais-toi !… si tu m’aimes, tais-toi !… Il ne faut plus écouter les docteurs !… Ce sont des niais, des imbéciles, mon chéri… de vrais imbéciles… et qui sont vraiment plus malades que toi !… Et je le leur dirai !… Et je ne veux plus qu’ils te tourmentent !… Du reste, je les ai écoutés, tout à l’heure… Ils ne croient pas une seconde sincèrement que tu étais mort !… Si tu ne veux pas mourir pour de bon, cette fois, il faut rejeter une pensée aussi absurde, tu entends, Jacques !… Promets-le moi !… Nous mourrons