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LA JOIE DE FANNY DURE PEU
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le plus sincère et le plus touchant, à la vérité !…

Cependant Mme Saint-Firmin n’en parut point autrement émue. Elle s’en fut vers Fanny, avec cette allure de spectre qui ne la quittait plus, ce glissement qui la déplaçait comme si elle ne pesait rien à la terre, et elle lui posa sa main diaphane sur l’épaule.

« Calmez-vous, lui dit-elle, personne ne saura rien de ces choses. Je n’ai rien dit de tout cela à Mlle Hélier, et elle n’en saura rien… Seulement il faut la rappeler auprès des enfants… c’est la volonté du mort !… Vous avez vu avec quelle prudence j’ai parlé aux journalistes… Le mort ne veut pas que l’on sache !… à cause des enfants !… André nous fera connaître bientôt ses dernières volontés… car il a assez souffert, même depuis sa mort, et il va bientôt être délivré de la terre où son fantôme était resté enchaîné… et moi, alors, je ne le verrai plus !… ici-bas, du moins !… Madame, allez-vous-en !… je vous ferai savoir ce qu’il m’aura dit… je l’attends, cette nuit… songez que je ne l’ai pas vu depuis six jours !… et certainement s’il apprend que vous êtes là, il ne viendra pas !… »

Fanny la regardait ! Ah ! si elle avait osé, comme elle aurait noué ses mains crispées autour de ce cou fragile ! Elle n’aurait pas eu beaucoup à appuyer… le dernier souffle s’en serait échappé… un pauvre soupir… et tout eût été fini !… et jamais plus cette petite bouche pâle n’aurait laissé passer les paroles terribles…