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d’autres membres illustres de cette illustre famille de magistrats.

Petit-Pierre, continuant à feuilleter le livre. — Et celui-ci ? Dites-moi encore, mon papa, qui est celui-ci ?

Jean, mettant son fils sur ses genoux. — Antoine, Jean Mathieu, baron de Séguier. Il est bien connu ! Tu sais bien, mon Petit-Pierre, c’est lui, auquel le roi demandait un service, dans un procès, et qui répondit…

Petit-Pierre. — Attends, attends, mon papa ! Je vais dire ce qu’il a répondu : « La cour rend des arrêts et non pas des services. »

Jean, remettant son fils sur ses pieds. — Tu comprendras un jour la grandeur de cette parole, Petit-Pierre.

Le Président, il causait au dernier plan avec Béatrice. — Oh ! c’est encore lui, ce baron, si mes souvenirs sont exacts, qui, après avoir exprimé à l’empereur, chaque fois que l’occasion s’en présentait, ses sentiments de dévouement inaltérable et d’admiration sans bornes, s’empressa de déposer en 1814, aux pieds de Louis XVIII, l’hommage de sa fidélité à toute épreuve !

Jean. — Qu’importe qu’il ait été magistrat sous l’empire ou sous la royauté, ou sous la domination du procurateur, ou sous la République, s’il n’a servi que sa conscience !

Petit-Pierre. — C’est beau, dis papa, tant de magistrats dans une famille ? Nous aussi, nous sommes une grande famille de magistrats !…

Jean. — Sois-en fier, mon Petit-Pierre, et souviens-toi toujours, quand tu seras tenté de faire mal, que tu appartiens à une maison qui punit les fautes, mais qui n’en commet pas !… (On entend le bruit que fait l’ancêtre en marchant.) Est-ce que l’Ancêtre n’est pas encore couché ? Entendez-vous ?

Le Président. — Je ne sais ce qu’il a depuis quelque temps à marcher ainsi nuit et jour, Le réquisiteur général qui descendait de chez lui m’a dit qu’il ne l’avait jamais vu aussi vivant.

Petit-Pierre. — Dis-donc, mon papa, à quoi pense-t-il, l’Ancêtre, quand il marche ?

Jean. — Il pense qu’il a été le plus grand juge de la terre. Il faut bien l’aimer, Petit-Pierre.

Petit-Pierre. — Je l’aime, mais il me fait peur… Moi aussi, je veux être un jour un grand juge, et tu vois, je ne ris jamais.