Page:Leroux - Mister Flow.djvu/11

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se vide… Encore une année écoulée. La troisième depuis que j’ai prêté serment, depuis que je me suis, pour la première fois, approché de la barre avec la même dévotion que, plus jeune encore, je m’étais approché de la sainte Table et peut-être avec plus de crainte.

Ne me fallait-il pas, une fois de plus, renoncer au Démon, à ses pompes et à ses œuvres ? Résumons : renoncer, pour des années, à l’argent qui est tout, surtout pour un jeune homme qui n’a rien et qui a été élevé assez mollement dans cette bonne société bourgeoise de la France d’il y a vingt ans, la plus aimable de l’univers.

J’avais de l’esprit, des manières, du penchant à l’étude pourvu qu’elle me parût agréable. Tout ceci pouvait me mener à bien, si mon père ne se fût ruiné, du jour au lendemain, dans une entreprise dont il conçut tant de chagrin qu’il en mourut au bout de l’an. Ma mère, d’origine anglaise, qui l’avait toujours beaucoup aimé, ne lui survécut point et je restai sans un sol avec mon grade de docteur en droit, une répugnance invincible pour les grimoires et une éloquence assez naturelle dans les sujets qui ne demandent nul effort. Je ne doutai point que la politique me réussît. Mais, en attendant, comment vivre ?… Un jeune maître doit être à son aise, faire un long stage chez l’avoué ou dans un cabinet renommé et surtout ne point « faire d’affaires ». Défense aussi de les chercher. « Soyons dignes ». Ces messieurs du Conseil ont raison. Le Privilège ne vaut que par les garanties qu’il donne aux clients. À moi de choisir une autre