Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/195

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cas pour la propriété des terrains urbains, le principe est néanmoins respectable, en considération de l’utilité générale et habituelle de la propriété individuelle. La propriété privée a, d’ailleurs, le mérite de dégager l’État de beaucoup de soins, de le délivrer d’attributions très compliquées les quelques abus qu’elle comporte sont le prix des avantages énormes dont elle est la source pour la société.

Il n’en est pas moins vrai que la propriété foncière urbaine semble entachée d’un antagonisme profond, radical, entre l’intérêt du propriétaire et l’intérêt général ? Dans aucune des relations sociales l’antagonisme n’est aussi marqué qu’ici. L’accroissement des revenus du propriétaire urbain semble tenir uniquement à l’accroissement des charges des locataires, c’est-à-dire de la grande majorité de la population, des gens modestes et des petites gens. Ne sont-ce pas deux faits certains, presque universels, concomitants, ayant entre eux la relation de cause à effet, que l’accroissement constant sans travail de la fortune du propriétaire urbain, et que l’élévation constante du loyer payé par le locataire, c’est-à-dire souvent par l’homme sans capitaux, notamment par l’ouvrier ? N’est-il pas vrai aussi qu’il est beaucoup plus malaisé à l’ouvrier des villes de devenir propriétaire de sa maison qu’à l’ouvrier des champs, qu’il y a même une impossibilité presque absolue à ce que ce légitime désir soit satisfait pour tous les ouvriers des villes, puisqu’en donnant seulement un carré de deux cents mètres à chaque ménage parisien et en ménageant les rues, les promenades et les espaces occupés par les bâtiments publics, on aurait une surface très supérieure à celle du département de la Seine ? Toutes ces considérations, qui n’échappent à aucun esprit réfléchi (mais dont quelques-unes, cependant, sont exagérées, comme on le verra plus loin), ont conduit des hommes distingués à des solutions qu’il faut examiner. Un professeur bien connu de l’Université de Berlin, M. Wagner, s’est prononcé pour un projet de rachat par l’État de la propriété urbaine[1].

  1. Nous trouvons cette idée de M. Wagner relatée dans l’ouvrage de M. Jourdan, Épargne et capital.