Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/89

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qu’admettent aussi, comme des vérités démontrées, la plupart des économistes de l’école anglaise le propriétaire serait un être privilégié en ce sens que tous les progrès de la civilisation lui profiteraient. L’accroissement de la population amènerait ne plus grande demande de ses produits, par conséquent en relèverait le prix ; il forcerait aussi à mettre en culture des terres restées incultes à cause de leur peu de fécondité naturelle et cette mise en culture des terres les moins fertiles, étant la suite en même temps que la cause d’une hausse des produits agricoles dont le prix de revient sur les terres de la dernière classe cultivée se trouverait accru, aurait pour conséquence de faire augmenter le fermage sur les terres les mieux douées de la nature et sur celles qui sont placées le plus près des principaux marchés et des lieux de consommation. Stuart-Mill et toute l’école anglaise reconnaissent cette conséquence de la doctrine de Ricardo. Ainsi le propriétaire, dans les sociétés avancées en civilisation, serait une sorte de parasite qui tirerait a lui le principal profit de tout le travail social, de tous les progrès sociaux, sans qu’il eût besoin de s’y associer et d’y coopérer Par son activité personnelle, par son industrie, ou par cette abstinence que l’on appelle l’épargne.

La doctrine de Ricardo a rencontré des opposants deux particulièrement notables, un Américain et un Français, Carey et Bastiat ; le premier qui se livre surtout à une réfutation expérimentale des faits sur lesquels Ricardo a établi sa théorie le second qui la combat par des arguments de raison et d’analogie. D’après eux, la rémunération du propriétaire, la rente de la terre, ne représenterait que les légitimes profits du capital incorporé au sol, profits d’ailleurs variables, suivant les cas et les espèces, comportant des chances bonnes et mauvaises comme toute entreprise humaine. À côté de ces deux adversaires bien connus de la doctrine de Ricardo, il y aurait de l’ingratitude à ne pas mentionner un économiste français qui a peu écrit, mais qui a publié un petit volume, véritable chef-d’œuvre d’observation, M. Hippolyte Passy : son traité Des systèmes de culture en France et leur influence sur l’économie