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Page:Les Œuvres libres, numéro 3, 1921.djvu/331

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antoine déchainé

nez friand, la bouche qui place chaque mot pour un effet ont l’air de suivre une ritournelle qu’il entend seul. Les mains aux pochés, il dit avec un sourire averti.

— Pauvre patron, s’en fait-il assez !

Et il cligne de l′œil à l’opérateur, jeune homme un peu fade qui joue au blasé flegmatique, indiquant par une moue que son calme n’est pas de la mollesse, mais de la philosophie.

— Avec moi ses nerfs s’apaiseront.

— En attendant, dit le régisseur, on va se balader tout doucettement dans Arles, en faisant de l’œil à ces dames et demoiselles.

— Et, dit l’opérateur, si on en trouve une, qui veuille de nous, on adopte sa maison pour y travailler.

— En route !

Nous voilà partis à petits pas. C’est une ville adorable. Le passé y est encore partout vivant, et le temps lui a donné mille figures émouvantes. Ce sont les toits provençaux sur de vieilles pierres de la conquête des Gaules. On se frotte à des murs qu’ont frôlés les soldats ou les patriciens du Grand Empire, et l’on retrouve sur les masques des Arlésiens de maintenant, le souvenir de la mâle beauté de certaines têtes romaines.

— Halte ! dit le régisseur. Regardez devint vous !

— Ce mur ? Eh bien ?

— La maison de l’Arlésienne !

— Ça ?… Mon petit vieux, vous avez reçu un coup de soleil… Ça ?

— Oui, ça… qui a un caractère énorme.

— Aucun ! On se croirait à Ivry.

— Enfant !…

— Vous avez pris ce qui a le moins de caractère ! Tenez, faites demi-tour… À la bonne heure !

— Ceci ?

— Oui, mon petit vieux.