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JALOUSIE

avait une beaucoup plus grande situation mondaine, de beaucoup plus belles alliances que son cousin, le comte de Surgis qui, pauvre, vivait dans ses terres. Mais, le mot qui terminait le titre, le Duc, n’avait nullement l’origine que je lui prêtais et qui m’avait fait le rapprocher, dans mon imagination, de Bourg-l’Abbé, Bois-le-Roi, etc. Tout simplement, un comte de Surgis avait épousé, pendant la Restauration, la fille d’un richissime industriel, M. Leduc, ou Le Duc, fils d’un fabricant de produits chimiques, l’homme le plus riche de son temps, et qui était pair de France. Le roi Charles X avait créé pour l’enfant issu de ce mariage, le marquisat de Surgis-le-Duc, le marquisat de Surgis existant déjà dans la famille. L’adjonction du nom bourgeois n’avait pas empêché cette branche de s’allier, à cause de l’énorme fortune, aux premières familles du royaume. Et la marquise actuelle de Surgis-le-Duc, de la plus illustre naissance, aurait pu avoir une situation immense. Un démon de perversité l’avait poussée, dédaignant une situation toute faite, à s’enfuir de la maison conjugale, à vivre de la façon la plus scandaleuse. Puis, le monde dédaigné par elle à vingt ans, quand il était à ses pieds, lui avait cruellement manqué à trente, quand, depuis dix ans, personne, sauf de rares amies fidèles, ne la saluait plus, et elle avait entrepris de reconquérir laborieusement pièce par pièce ce qu’elle possédait en naissant (aller et retour qui ne sont pas rares).

Quant aux grands seigneurs, ses parents, reniés jadis par elle, et qui l’avaient reniée à leur tour, elle s’excusait de la joie qu’elle aurait à les ramener à elle sur des souvenirs d’enfance qu’elle pourrait évoquer avec eux. Et en disant cela, pour dissimuler son snobisme, elle mentait peut-être moins qu’elle ne croyait. « Basin, c’est