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JALOUSIE

manteau vénitien et je sais quelqu’un à qui cela ferait bougrement plaisir, à Oriane d’abord, cela ce n’est pas la peine de le dire, mais la princesse de Parme. Elle chante tout le temps vos louanges, elle ne jure que par vous. Vous avez la chance — comme elle est un peu mûre — qu’elle soit d’une pudicité absolue. Sans cela elle vous aurait certainement pris comme sigisbée, comme on disait dans ma jeunesse, une espèce de cavalier servant.

Je ne tenais pas à la redoute, mais au rendez-vous avec Albertine. Aussi je refusai. La voiture s’était arrêtée, le valet de pied demanda la porte cochère, les chevaux piaffèrent jusqu’à ce qu’elle fût ouverte toute grande, et la voiture s’engagea dans la cour. « — À la revoyure », me dit le Duc. « — J’ai quelquefois regretté de demeurer aussi près de Marie, me dit la duchesse, parce que si je l’aime beaucoup, j’aime un petit peu moins la voir. Mais je n’ai jamais regretté cette proximité autant que ce soir puisque cela me fait rester si peu avec vous. » « — Allons, Oriane, pas de discours. » La Duchesse aurait voulu que j’entrasse un instant chez eux. Elle rit beaucoup, ainsi que le duc, quand je dis que je ne pouvais pas parce qu’une jeune fille devait précisément venir me faire une visite maintenant. « — Vous avez une drôle d’heure pour recevoir vos visites », me dit-elle.

« — Allons, mon petit, dépêchons-nous, dit le Duc à sa femme. Il est minuit moins le quart et le temps de nous costumer… » Il se heurta devant sa porte sévèrement gardée aux deux dames à canne, qui n’avait pas craint de descendre nuitamment de leur cime, afin d’empêcher un scandale. « — Basin, nous avons tenu à vous prévenir, de peur que vous ne soyez vu à cette redoute, que le pauvre Amanien vient de mourir, il y a une heure ». Le duc eut un instant d’alarme. Il