Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/175

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Il crut faire preuve d’esprit, en le secouant par les épaules, et disant :

— Il est tard, têtard !

— Je le sais. J’attendais que M. Sigerier fût disposé à se retirer pour me faire un pas de conduite… fit le professeur, en se dressant avec une étonnante liberté de ses sens.

Nous gagnâmes la rue. Dès le lourd battant de la porte fermée, je voulus me séparer du savant qui demeurait dans de lointains parages, alors que j’habitais, rue du Général-Foy, une garçonnière assez voisine de mon atelier, qui se trouvait rue Lepic. Mais Tornada m’avait pris d’autorité par le bras et, sans mot dire, m’entraînait dans sa direction. Je me sentais du reste à nouveau, et pour la quatrième fois depuis cette soirée, soumis à l’influence que cet homme exerçait sur moi. Non point que cette influence fût de nature hypnotique, car je connais parfaitement ces phénomènes d’origine nerveuse auxquels je suis réfractaire ; mais son pouvoir était quelque chose d’autre, d’indéfinissable, de non observé encore dans la science occulte, comme si mon individu, alors que je le savais progressant avec un équilibre normal, eût été emporté dans une giration folle autour de Tornada, point central de mon tournoiement. Oui, c’est inexplicable ce qui se passa à ce moment, comme par la suite du reste. Oui, maintenant que je me remémore et transcris cette extraordinaire aventure, je ne trouve encore aucune interprétation possible, ni dans les pratiques du magnétisme, ni dans celles de la physique, en ce que la physique peut encore toucher au surnaturel. Je me souviens seulement qu’à plusieurs reprises, alors que nous déambulions — et nous déambulâmes longtemps, par des chemins que j’ignorais et qui devaient longer les fortifications — je me souviens que sa barbe, qu’il repliait sous son manteau, était phosphorescente. Était-ce là qu’il recélait quelque