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Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/27

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Et la bordée tribord s’était ruée à la manœuvre.

Le yacht roulait assez bas. Par chance, comme l’avait dit naguère le capitaine O’Kennedy, parlant à lord Nettlewood, personne à bord ne souffrait du mal de mer ; et les dames mêmes, confortablement arc-boutées aux rembardes, considéraient en toute paix de corps et d’esprit l’opération délicate à quoi s’appliquait pour débarquer la vedette du yacht, les tribordais de la Feuille de Rose.

Les bossoirs avaient pivoté, les sangles étaient largues. Les garants, correctement tournés autour des poupées du treuil électrique, se déroulèrent. En fin de compte la lame, qui se gonflait au flanc du yacht, vint effleurer de son dos la quille de la vedette presque amenée. Et le capitaine O’Kennedy cria : « Lâche tout ! » Ce qui fut fait. Alors, libre et flottant sur la crête des vagues, la vedette s’écarta tout de suite du bord, pour éviter d’y être tassée, écrasée peut-être, et attendit, son hélice tourbillonnant par intervalles, le bon plaisir de lord Nettlewood et de ses hôtes. Ce ne fut pas longtemps.

La cloche avait « piqué huit » : midi. À la coupée, dont on venait d amener l’échelle, quatre grands paniers, voilés de serviettes blanches, attendaient aussi, comme la vedette.

— Embarquez d’abord tout le matériel avec tous les gens d’office, — ordonna lord Nettlewood, et nous embarquerons nous-mêmes ensuite. Don Juan, que pensez-vous de ce tableau ?

Il montrait Graciosa et sa crique, distants d’à peine un quart de mille ; et il les montrait à Juan Bazan, le peintre espagnol, qui s’approchait de la coupée, ses jumelles à la main.

Or, Juan Bazan, qui était d’humeur caustique,