Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/210

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pleurer après le sein de tes nourrices et sans te lamenter comme une vieille femme ? — Mais en les quittant je leur ferai de la peine ! — Ce n’est pas toi qui leur en fera, mais, pour elles comme pour toi, ce sont vos manières de voir qui vous en feront. Qu’as-tu donc à faire ? Rejette tes façons de voir ; et ces femmes aussi, si elles font bien, rejetteront les leurs. Si non, ce sera leur faute si elles pleurent. Homme, renonce à tout, suivant le proverbe, pour être heureux, pour être libre, pour avoir l’âme grande. Porte haut la tête ; tu es délivré de la servitude. Ose lever les yeux vers Dieu, et lui dire : « Fais de moi désormais ce que tu voudras ; je me soumets à toi ; je t’appartiens. Je ne refuse rien de ce que tu jugeras convenable ; conduis-moi où il te plaira ; revets-moi du costume que tu voudras. Veux-tu que je sois magistrat ou simple particulier ? Que je demeure ici, ou que j’aille en exil ? Que je sois pauvre ou que je sois riche ? Je te justifierai de tout devant les hommes ; je leur montrerai ce qu’est en elle-même chacune de ces choses. » Autrement, assieds-toi sur un ventre de bœuf, et attends-y que ta nourrice vienne te rassasier.

Si Hercule fût demeuré dans sa maison, qu’aurait-il été ? Eurysthée, et non pas Hercule. Eh bien ! dans ses courses à travers le monde, combien n’a-t-il pas eu de compagnons et d’amis ! Mais jamais il n’a rien eu de plus cher que Dieu ; c’est par là qu’il s’est fait regarder comme fils de Jupiter ; c’est par là qu’il l’a été. C’est pour lui obéir, qu’il s’en est allé partout, redressant les iniquités et les injustices. Diras-tu que tu n’es pas Hercule, et que tu ne peux