Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/399

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pour toi? Non, car on ne s’afflige de voir arriver que les choses qu’on a redoutées quand on les attendait. Convoiteras-tu encore quoique ce soit? Tu désireras d’une manière calme et régulière tout ce qui relève de ton libre arbitre, tout ce qui est honnête et sous ta main; quant aux choses qui ne relèvent pas de ton libre arbitre, tu n’en désireras aucune assez pour qu’il y ait place en toi à des ardeurs de bête brute et à des impatiences sans mesure.

Lorsque l’on est dans cette disposition d’esprit à l’égard des objets, quel homme peut-on redouter encore? Comment, en effet, un homme peut-il être redoutable pour un autre homme, soit qu’il se trouve devant lui, soit qu’il lui parle, soit même qu’il vive avec lui? Il ne peut pas plus l’être qu’un cheval pour un cheval, un chien pour un chien, une abeille pour une abeille. Ce que chacun redoute, ce sont les choses; et c’est quand quelqu’un peut nous les donner ou nous les enlever, qu’il devient redoutable à son tour.

Cela étant, qu’est-ce qui met à néant les citadelles? Ce n’est ni le fer, ni le feu, mais nos façons de juger et de vouloir. Car, lorsque nous aurons mis à néant la citadelle qui est dans la ville, aurons-nous mis à néant, du même coup, celle d’où nous commande la fièvre? Et celle d’où nous maîtrisent les jolies filles? En un mot, aurons-nous renversé, avec la citadelle qu’ils s’y sont faite, tous les tyrans qui sont en nous, ces tyrans que nous y trouvons chaque jour à propos de tout, tantôt les mêmes, tantôt divers? C’est par là qu’il faut commencer; c’est de là qu’il faut chasser les tyrans, après avoir mis à néant