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CONTES ARABES.

et lorsqu’il en eut achevé le récit : « Voilà, poursuivit-il, le sujet de ma tristesse ; jugez si j’avois tort de m’y abandonner. » « Ô mon frère ! s’écria le sultan d’un ton qui marquoit combien il entroit dans le ressentiment du roi de Tartarie, quelle horrible histoire venez-vous de me raconter ! Avec quelle impatience je l’ai écoutée jusqu’au bout ! Je vous loue d’avoir puni les traîtres qui vous ont fait un outrage si sensible. On ne sauroit vous reprocher cette action : elle est juste ; et pour moi j’avouerai qu’à votre place j’aurois eu peut-être moins de modération que vous. Je ne me serois pas contenté d’ôter la vie à une seule femme, je crois que j’en aurois sacrifié plus de mille à ma rage. Je ne suis pas étonné de vos chagrins ; la cause en étoit trop vive et trop mortifiante pour n’y pas succomber. Ô ciel ! quelle aventure ! Non, je crois qu’il n’en est jamais arrivé de semblable à personne qu’à vous. Mais enfin il faut louer Dieu de ce qu’il vous a donné