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LES MILLE ET UNE NUITS,

ai-je voulu descendre sans lumière ? J’ai achevé de tuer ce malade qu’on m’avoit amené. Je suis cause de sa mort, et si le bon âne d’Esdras[1] ne vient à mon secours, je suis perdu. Hélas, on va bientôt me tirer de chez moi comme un meurtrier ! »

Malgré le trouble qui l’agitoit, il ne laissa pas d’avoir la précaution de fermer sa porte, de peur que par hasard quelqu’un venant à passer par la rue, ne s’aperçût du malheur dont il se croyoit la cause. Il prit ensuite le cadavre, le porta dans la chambre de sa femme, qui faillit à s’évanouir quand elle le vit entrer avec cette fatale charge. « Ah, c’est fait de nous, s’écria-t-elle, si nous ne trouvons moyen de mettre cette nuit hors de chez nous ce corps mort ! Nous perdrons indubitablement la vie si nous le gardons jusqu’au jour. Quel malheur ! Comment avez-vous donc fait

  1. Cet âne est celui qui, selon les Mahométans, servit de monture à Esdras quand il vint de la captivité de Babylone à Jérusalem.