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CONTES ARABES.

» Je n’eus pas fait quelques pas pour rejoindre mes chameaux, qui marchoient toujours dans le chemin où je les avois mis, que le démon de l’ingratitude et de l’envie s’empara de mon cœur. Je déplorois la perte de mes quarante chameaux, et encore plus les richesses dont ils étoient chargés. « Le derviche n’a pas besoin de toutes ces richesses, disois-je en moi-même, il est le maître des trésors, et il en aura tant qu’il voudra. » Ainsi je me livrai à la plus noire ingratitude, et je me déterminai tout-à-coup à lui enlever ses chameaux avec leurs charges.

» Pour exécuter mon dessein, je commençai par faire arrêter mes chameaux, ensuite je courus après le derviche, que j’appelois de toute ma force, pour lui faire comprendre que j’avois encore quelque chose à lui dire, et je lui fis signe de faire aussi arrêter les siens et de m’attendre. Il entendit ma voix, et il s’arrêta.

» Quand je l’eus rejoint : « Mon frère, lui dis-je, je ne vous ai pas