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Page:Les Tableaux vivants, 1997.djvu/28

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— Bonsoir, Gustave.

Là-dessus le colonel monta dans sa chambre.

La colonelle vint comme une grosse poule blanche se percher sur mes genoux. Le temps se passa doucement entre nous, soyez-en sûrs. Elle me demandait si je la méprisais pour m’avoir cédé si vite. Et moi je lui répondais que j’espérais bien lui donner encore tout à l’heure une nouvelle preuve d’estime.

Tout à coup le colonel ouvrit sa fenêtre.

— Marie ! cria-t-il de l’étage supérieur.

Elle ne fit qu’un bond de mes genoux à la croisée du boudoir. Je la suivis.

— Le comte est-il encore là ? demanda le colonel.

— Oui, mon ami.

— Oui, colonel.

— Sacrebleu ! Savez-vous bien qu’il fait beau temps ?

— Un temps superbe, mon ami.

— Un temps d’ange, mon colonel.

— Ces belles nuits vous ôtent l’envie de vous coucher et de dormir.

— Ne vous… ne vous fatiguez pas, mon ami.

Pourquoi s’était-elle interrompue au début de sa phrase ? C’est que, placé derrière elle, la voyant accoudée sur le bord de la croisée et me présentant la croupe, j’avais osé…

— Vous avez raison, dit le colonel. Après tout, rien ne vaut une bonne nuit passée dans son lit…

J’avais osé la trousser. Je cherchais à passer sous cette belle lunette de chair blanche pour atteindre le but de mes désirs ranimés. Mais quoi ! Est-ce que je rêvais… Madame de Rochemure, étendant la main derrière et empoignant l’ennemi, le dirigeait par une autre route.

— Bonsoir, Marie, dit le colonel. Bonsoir, comte.