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Page:Les Tableaux vivants, 1997.djvu/47

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— J’ai un godemichet dans ma malle.

Dans ces grandes crises du désir on se comprend à demi-mot. Calprenède va quérir l’instrument providentiel. Nous approchons de la fenêtre entr’ouverte et nous sautons. Nous voilà dans la place. Un cabinet à traverser d’abord. La fameuse cuvette est au milieu. Nous pénétrons dans une chambre où brûle une bougie. Au fond est une alcôve.

Comme j’allais poser le godemichet sur le lit, Calprenède m’arrêta par une réflexion bien naturelle.

— Si nous agissons ainsi, me dit-il, les deux pauvres veuves, en trouvant cette belle pièce sur leur lit, se demanderont qui l’y a mise. Elles penseront que l’on est entré ici ; elles chercheront le visiteur, et si nous nous cachons dans le cabinet, elles nous y trouveront aisément. Ce seront alors des cris, des frayeurs. On accourra, et l’on nous mettra au poste…

— Où nous n’aurons plus de ressource que de faire l’amour au factionnaire !…

— Ce n’est pas ce jeu-là qu’il faut jouer.

Et nous rêvons de plus belle.

Mais deux garçons d’imagination ne sont jamais à bout. Le résultat de notre méditation fut qu’il valait mieux sortir après avoir fait un beau paquet du godemichet sous une honnête enveloppe, joindre nos deux veuves à l’église voisine, leur faire présenter le paquet par le premier polisson venu quand elles quitteraient l’église, les devancer alors, revenir, raccommoder avec soin notre pont, pour ne laisser aucune trace de notre passage, nous jeter alors dans le cabinet, nous cacher derrière une montagne de linge sale que nous y voyions accumulé, et attendre…

Nous partîmes pour l’église. Chemin faisant l’idée nous