Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
106
DIX-SEPTIÈME AVENTURE.

loyal. Vous m’avez engagé votre foi, allez-vous déjà me fausser compagnie ? Quand deux amis sont ensemble, s’ils viennent à trouver fortune, ils sont tenus de partager ; faites donc là-haut le partage de l’andouille et jettez ma part ; j’en prends le péché sur moi. — En vérité, » répond Tybert, vous êtes pire qu’un hérétique ; vous voulez que je jette ce qu’on doit tenir avec le plus grand respect ! Il faudroit que le vin m’eût bien monté à la tête pour aller ainsi contre la foi ; car enfin, je le repète, c’est une andouille, une chose qu’il faut garder entre les doigts[1]. Écoutez-moi : si vous m’en croyez, pour cette fois vous vous en passerez ; mais la première que nous trouverons, je vous le promets, elle sera vôtre. — Au moins, Tybert, laisse tomber quelques miettes de celle-ci ! — Non, vous êtes trop glouton ; eh quoi ! ne pouvez-vous attendre qu’il en arrive une autre, meilleure peut-être ? » Il n’en dit pas davantage et se mit à manger l’andouille.

À cette vue, le cœur de Renart se gonfle, ses

  1. Tybert fait allusion ici à l’usage ancien de transiger, convenir et traiter per festucam, per cultellum et andelagum ; en rompant la paille, en separant l’andouille avec le couteau. Ce passage suffiroit pour lever tous les doutes sur ce qu’il faut entendre dans les anciennes chartes latines, par andenam, andelam, andelagum, andelagium.