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QUARANTE-ET-UNIÈME AVENTURE.

bourse dans la peau qu’il en rapportoit, et jamais si hideuse bête ne courut risque d’être rencontrée. Il fuit à travers bois ; la honte d’être vu, la crainte d’être assommé se réunissent pour lui conserver des forces. La meute des vilains le poursuivoit toujours. Maintenant voilà qu’il croise le prêtre de la paroisse, le père de Martin d’Orléans, qui revenoit de tourner son fumier. De la fourche qu’il avoit aux mains, il frappe Brun sur l’échine, et le grand faiseur de peignes et lanternes, frère de la Chievre de Reims, l’atteint d’une longue corne de bœuf et la lui brise sur les reins. Oh ! malheur à Renart si jamais Brun peut le rejoindre ! Mais celui-ci avoit pris soin de se mettre à couvert dans Maupertuis, et quand Brun passa devant ses fenêtres, il ne put se tenir de le gaber encore. « Comment vous trouvez-vous, beau sire Brun, d’avoir voulu manger tout le miel sans moi ? Vous voyez à quoi mène enfin la trahison ; n’attendez pas de prêtre à votre dernier jour. Mais de quel ordre êtes-vous donc, pour avoir ce chaperon rouge ? » Brun ne tourna pas même les yeux sur lui ; qu’auroit-il répondu ? Il s’enfuit plus vite que le pas, croyant toujours avoir à ses trousses Lanfroi, le prêtre, le lanternier et tous les vilains du pays.

Enfin il atteignit les lieux où le roi Noble tenoit sa cour. Il étoit grand temps qu’il arrivât,