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LA CONFESSION DE RENART.

vous opposerez à Brun, à Tybert, à Ysengrin. Je ne veux pas vous flatter d’espérances vaines : vous serez condamné à la peine capitale. Tenez, rompez le scel de ces lettres royaux, et vous jugerez par vous-même de la gravité de la situation. »

Renart brisa la cire avec une certaine émotion : la lettre étoit ainsi conçue :

« Messire Noble, le Lion, souverain maître de toutes les régions et de toutes les bêtes du monde, mande à Renart honte et dernier supplice, s’il ne vient demain répondre à la clameur élevée contre lui dans ma cour. Il se munira, non pas d’une charge d’or ou d’argent, non pas d’un beau sermon, mais de la hart qui pourra servir à le pendre.[1] »

À la lecture de ces lettres, Renart changea de couleur et perdit contenance. « Ah ! Grimbert, » dit-il, « maudite l’heure de ma naissance ! Conseillez-moi, je vous prie ; empêchez que demain je ne sois pendu ! J’aurois dû, quand il en étoit temps, entrer en religion, à Clairvaux ou à Clugny ; mais les moines eux-mêmes ne sont guères faciles à vivre, et je n’aurois pas longtemps échappé au

  1. Il arrivoit souvent de faire grâce aux captifs et à ceux qui étoient condamnés au dernier supplice, quand ils se présentoient nuds pieds, la corde au col ou la hart aux mains.