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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/129

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que la ville ne perdit pas seulement sa majesté, mais que sa forme disparut, ainsi que son existence même. Les appartements de plainpied des palais et des autres édifices, qui primitivement étaient ornés de stucs, de peintures et de statues, furent ensevelis sous les ruines des constructions supérieures, avec toutes les belles choses qu’on a retrouvées de nos jours. Les générations ultérieures, croyant que le tout était ruiné, plantèrent dessus des vignes, en sorte que, les appartements en question étant restés sous terre, les modernes leur ont donné le nom de grottes, et celui de grotesques aux peintures qu’on y voit à présent.

X — Après les Ostrogoths, qui furent anéantis par Narsès, on continua à habiter les ruines de Rome, mais d’une manière assez malaisée, et après un siècle. Constance II, empereur de Constantinople, vint à Rome. Affablement reçu par les Romains, il mutila, dépouilla et emporta tout ce qui était resté en place dans la malheureuse ville de Rome, et que le hasard, plus que la bonne volonté de ses destructeurs, avait épargné. Il est vrai qu’il ne put jouir de ses dépouilles, parce que, ayant été jeté par une tempête en Sicile, il fut justement égorgé par ses sujets, et il laissa à la fois son butin, le trône et la vie, qui furent la proie de la fortune. Non contente des malheurs de Rome, et pour que les objets volés ne pussent jamais y revenir, elle amena une armée de Sarrazins qui vinrent ravager l’île, et emportèrent à Alexandrie les dépouilles de Rome, avec celles des Siciliens, pour la plus grande honte et pour le plus grand dommage de l’Italie et du monde chrétien. Ainsi, tout ce qui n’avait pas été détruit par les pontifes, et particulièrement par saint Grégoire (duquel on dit qu’il condamna à disparaître le reste des statues et des débris des monuments), fut anéanti par la faute de ce Grec détestable. Enfin, comme il n’y avait plus de vestiges, ni d’indices de quelque œuvre qui fût belle, les hommes qui vinrent ensuite, redevenant rudes et grossiers, s’ils firent des peintures et des sculptures, se laissèrent guider par la nature, et, sous l’influence du milieu où ils vivaient, ils se mirent à produire non d’après les règles des arts anciens, qu’ils n’avaient plus, mais suivant les aptitudes de leurs esprits.

XI. — Les arts du dessin étaient donc réduits à ce point, avant, pendant et après l’époque où les Lombards dominèrent en Italie. Ils allèrent ensuite en s’altérant de plus en plus, bien que l’on produisît dans tous les genres de manière qu’on n’aurait pas pu travailler plus lourdement, et avec moins de dessin. On en voit la preuve, entre autres choses, dans quelques figures qui se trouvent dans le portique