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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/136

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plus grande perfection que celles que reflétaient les œuvres qu’ils avaient devant les yeux, admiraient ces œuvres, et celles-ci, si vulgaires qu’elles fussent, passaient pour des chefs-d’œuvre.

Néanmoins, les esprits des générations suivantes, aidés en partie par la subtilité de l’air, s’affirmèrent au point qu’en 1250, le ciel, prenant en pitié les beaux génies que le terroir toscan ne cessait de produire, les ramena à la forme première. Bien que ceux qui les précédaient eussent sous les yeux des ruines d’arcs de triomphe et d’amphithéâtres, des restes de statues, des vases et des colonnes ornées, après l’ère des ravages, des ruines et des incendies de Rome, ils ne surent pas se servir de ce qu’ils voyaient, ou en tirer quelque profit jusqu’au temps que je viens d’indiquer. Les beaux génies qui vinrent ensuite, sachant parfaitement distinguer le bon du mauvais, abandonnèrent la manière ancienne, et revinrent aux antiques pour les imiter avec toute l’industrie et l’intelligence qui étaient en eux.

XVI. — Mais pour que l’on comprenne aisément la différence de ce que j’appelle ancien et antique, j’appelle antiques les œuvres qui. précédèrent l’époque de Constantin, à Corinthe, à Athènes et à Rome, ainsi que dans d’autres villes fameuses, et qui furent faites jusqu’aux, temps de Néron, des Vespasiens, de Trajan, d’Hadrien et d’Antonin. Les autres œuvres sont appelées anciennes, et sont postérieures à saint Sylvestre ; elles furent produites par un reste d’artistes grecs, qui savaient plutôt teindre que peindre. Comme dans les guerres les excellents artistes primitifs étaient morts, comme on l’a déjà dit, et comme il ne restait que ces Grecs, maîtres anciens et non pas antiques, la peinture consistait en linéaments sur un fond de couleur, comme en font foi actuellement quantité de mosaïques, œuvres de ces Grecs, que l’on voit par toute l’Italie, dans toute église ancienne de n’importe quelle ville, particuhèrement dans le dôme de Pise, à Saint-Marc de Venise, et encore autre part. Il en est de même de beaucoup de peintures que ces Grecs continuaient à faire, dans cette manière caractérisée par des figures ayant des yeux de possédés, les mains ouvertes, et debout sur la pointe des pieds. On en voit encore à San Miniato, hors de Florence, entre la porte qui donne dans la sacristie et celle qui donne sur le couvent ; à Santo Spirito de la même ville, sur tout le côté du cloître qui fait face à l’église ; de même à Arezzo, dans les églises San Giuliano, San Bartolommeo et autres ; à Rome, dans le vieux Saint-Pierre, des peintures qui font le tour des fenêtres. Toutes ces peintures tiennent plus du monstrueux dans leurs contours que de l’image de qui que ce soit. Ces Grecs firent pareillement quantité de sculptures