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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/150

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cinq fois sa largeur, chaque travée étant séparée de l’autre par de grands pilastres de pierre, sur lesquels il jeta des arcs très hardis, et entre lesquels il établit des voûtes en croix. C’est sur ce modèle que fut édifiée cette construction, vraiment considérable, et il fut suivi dans toutes ses parties, sauf pour le transept supérieur qui encadre la tribune et le chœur, ainsi que pour les voûtes en croix ; on ne les fit pas comme sur le plan, mais en demi-cintre, à botte, pour qu’elles fussent plus solides. On mit ensuite l’autel devant la grande chapelle de l’église inférieure, et, sous cet autel, quand il fut terminé, on plaça solennellement le corps de saint François. Comme le tombeau qui renferme le corps du bienheureux est dans la première église, c’est à dire dans celle qui est souterraine, où personne ne pénètre jamais et dont les portes sont murées, on entoura cet autel d’une grande grille en fer, couverte de riches ornements de marbre et de mosaïque. Cet édifice est accompagné d’un côté de deux sacristies et d’un campanile très élevé, qui a en hauteur cinq fois sa largeur. Le campanile se terminait autrefois par une pyramide octogone très élevée ; mais on la supprima parce qu’elle menaçait ruine. Cette construction fut achevée dans l’espace de quatre ans seulement, grâce au génie de maître Jacopo, et à la sollicitude de frère Élie, après la mort duquel, pour éviter qu’une pareille masse fût jamais ruinée, on flanqua l’église inférieure de douze tours solides, dont chacune renfermait un escalier en colimaçon, montant jusqu’au faîte de l’édifice, auquel, avec le temps, on ajouta de nombreuses chapelles et de riches ornements provenant de la munificence des papes, des cardinaux, des souverains et autres grands personnages de toute l’Europe.

Ces travaux valurent à maître Jacopo une telle renommée dans toute l’Italie, qu’il fut appelé à Florence par ceux qui gouvernaient alors la cité. Il y fut reçu plus favorablement qu’on ne saurait le dire, et selon la coutume qu’ont les Florentins, et qu’ils avaient autrefois davantage, d’abréger les noms, ils l’appelèrent non plus Jacopo, mais Lapo, tout le temps de sa vie qu’il passa entière avec sa famille dans leur ville. Il s’en éloigna à différentes époques, pour diriger en Toscane les constructions de quelques édifices, tels que le palais de Poppi, dans le Casentin, pour le comte [1] de cette ville, qui avait épousé la belle Gualdrada et avait reçu le Casentin en dot ; l’évêché d’Arezzo[2], et le

  1. Erreur. Le comte Guido Guerra dont il s’agit vécut un siècle auparavant.
  2. Commencé en 1218 par Jacopo ; continué, après interruption, en 1275, par Margaritone et terminé, on ne sait par quel architecte, sous l’épiscopat de Gugliermino degli libertini, mort en 1289. C’est la cathédrale actuelle.