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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/176

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GIOTTO
Peintre, sculpteur et architecte florentin (1266-1337)

Si de grandes obligations lient les peintres à la nature, qui leur sert continuellement de modèle, et qu’ils s’efforcent de reproduire et d’imiter, en s’inspirant de ses parties les meilleures et les plus belles, à mon avis nous sommes autant redevables à Giotto, peintre florentin. Alors qu’après tant d’années de misères et de guerres, les modes de la bonne peinture et le dessin avaient complètement disparu, lui seul, quoique né parmi des artistes imparfaits, les ressuscita, par la grâce de Dieu, et les remit dans la bonne voie. Certes ce fut un vrai miracle que cette époque, grossière et imparfaite, ait eu le pouvoir de doter Giotto si richement que le dessin, qui n’était pas connu ou bien peu par ses contemporains, revint en vie, grâce à lui. Quoi qu’il en soit, ce grand homme naquit l’an 1276, en plein pays florentin, à la villa de Vespignano, située à quatorze milles de Florence [1]. Son père, Rondone, simple laboureur et bon homme, l’appela Giotto [2], et l’éleva honnêtement, selon sa condition. À l’âge de dix ans, Giotto montrait dans ses manières encore enfantines une adresse et une vivacité d’esprit extraordinaires, qui le rendaient cher, non seulement à son père, mais à tous ceux qui le connaissaient dans le pays et au dehors. Bondone lui donna à garder quelques moutons, qu’il menait paître dans les champs ; mais, tout en les conduisant çà et là, il dessinait sur la terre, sur le sable ou sur des pierres plates, comme poussé par une inspiration de nature à dessiner, les objets qu’il voyait et les fantaisies qui lui passaient par l’esprit. Un jour, Cimabue, allant pour ses affaires de Florence à Vespignano, rencontra Giotto qui, pendant que son troupeau paissait, dessinait une de ses brebis, sur une pierre plane et polie, avec un caillou pointu, sans avoir jamais eu d’autre maître que la nature. Ce que voyant, Cimabue s’arrêta surpris, et lui demanda s’il voulait venir demeurer avec lui. L’enfant répondit que, si son père y consentait, il irait volontiers. Cimabue le demanda donc à Bondone, qui consentit avec plaisir à ce qu’il l’emmenât avec lui à Florence. Là, en très peu de temps, avec l’aide de la nature et les leçons de Cimabue, non seulement le jeune homme égala son maître, mais encore il devint si bon imitateur de la nature, qu’il abolit complètement la grossière

  1. À Colle, commune de Vespignano. Cette date doit être inexacte, si l’on s’en rapporte à des mémoires de l’époque qui disent qu’il mourut à 71 ans.
  2. Ce nom est peut-être l’abréviation d’Angelotto, ou bien d’Ambrogiotto.