Sommaire. — I. But poursuivi par l’auteur en écrivant les Vies des Peintres, des Sculpteurs et des Architectes. — II. D’une discussion qui s’éleva de son temps sur la prédominance de la Sculpture ou de la Peinture. Raisons invoquées en faveur de la Sculpture. — III. Leur réfutation. Raisons invoquées en faveur de la Peinture. — IV. L’auteur conclut en montrant que ces deux arts sont frères et tous deux excellents. — V. Il indique succinctement ce que contiendra l’Introduction.
L es esprits élevés avaient coutume dans toutes leurs actions, poussés
par un ardent désir de gloire, de ne reculer devant aucune fatigue,
si grande fût-elle, pour amener leurs œuvres à un point de perfection
qui les rendît étonnantes et admirables pour tout le monde. Le peu
de fortune de beaucoup d’entre eux ne pouvait retarder les efforts
qu’ils faisaient pour parvenir à de hautes positions, pour vivre honorés,
et pour laisser d’eux, dans les temps à venir, une renommée éternelle
de leur rare excellence. Bien qu’un désir aussi louable et une pareille
application fussent pendant leur vie hautement récompensés par la
libéralité des princes et par la louable rivalité des républiques désireuses de les posséder, bien qu’après leur mort leur nom se perpétuât par les
statues, les tombeaux qu’on leur élevait, les médailles qui les représentaient,
ou d’autres souvenirs analogues, néanmoins on peut
apprécier à quel point le temps dévore toute chose, lui qui non
seulement a ruiné les propres ouvrages d’un grand nombre d’artistes
et les autres souvenirs honorables laissés par eux, mais encore a altéré
ou effacé les noms de tous ceux qui nous ont été conservés par toute
autre chose que par la seule plume vive et pieuse des écrivains. Ayant
maintes fois considéré en moi-même cette chose, et ayant reconnu,
non seulement d’après l’exemple des anciens, mais encore d’après celui