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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/230

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que des vers en vieux langage, composés par l’Orcagna lui-même, qui s’occupait de poésies et dont il reste quelques sonnets.

Autour de ces corps morts volent des diables, qui leur arrachent les âmes par la bouche et les jettent dans des gouffres de feu, au sommet d’une haute montagne. Du côté opposé, des anges s’emparent de quelques âmes destinées à être bienheureuses de la même manière, et les portent en volant au Paradis. Sur une banderole tenue par deux anges, on lit :

Ischermo di savere e di ricchezza,
Di nobiltade ancora e di prodezza,
Vale neente ai colpi di costei ;

et d’autres paroles difficiles à comprendre. L’ornement inférieur de cette fresque est formé par neuf têtes d’anges qui tiennent des devises latines, ou en langue vulgaire, qu’on a placées là pour ne pas encombrer la scène principale, et que l’artiste néanmoins voulait voir figurer dans son œuvre, les trouvant très belles, et peut-être étaient-elles au goût du temps. Nous les laisserons de côté, pour ne pas fatiguer nos lecteurs de choses aussi peu agréables.

À côté de cette fresque, l’Orcagna représenta le Jugement universel. Le Christ, placé tout en haut sur une nuée, au milieu de ses douze apôtres, juge les vivants et les morts. Cette scène est rendue avec beaucoup d’art et une grande énergie. D’un côté elle montre le désespoir des damnés, qui, plongés dans les larmes, sont entraînés par des démons furieux dans l’Enfer ; de l’autre, la joie et l’allégresse des élus qui sont transportés à la droite des bienheureux par une cohorte d’anges guidés par l’archange Michel. Il est vraiment regrettable qu’aucun écrivain ne nous ait relaté les noms de cette multitude de magistrats, de cavaliers, et d’autres seigneurs dont les figures sont autant de portraits. On n’en connaît que quelques-uns ; ainsi on dit que le pape qu’on y voit n’est autre qu’Innocent IV, l’ami[1] de Manfred.

Après avoir achevé ces travaux, et avoir exécuté quelques sculptures en marbre dans l’église de la Madone qui est sur la montée du Ponte Vecchio, l’Orcagna laissa son frère Bernardo peindre dans le Campo Santo un Enfer pour lequel il suivit la description de Dante, et qui fut assez mal restauré en 1530 par le Sollazzino [2]. De retour à Florence, Andrea reproduisit, au milieu de Santa Croce[3], sur une grande

  1. Vasari aurait dû dire l’ennemi.
  2. Peintre florentin (1470-1543).
  3. Les peintures de Santa Croce n’existent plus.