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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/249

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couleurs si vives qu’elles peuvent apprendre aux hommes de l’art combien le fait de repasser d’autres couleurs sur des fresques une fois sèches est nuisible à la peinture et à tout le travail. Il est certain que la peinture s’affaiblit et que les couleurs ne peuvent pas se purifier lentement si on les recouvre avec d’autres couleurs qui sont toujours mêlées avec des gommes adragantes ou autres, de l’œuf, de la colle ou d’autres matières analogues qui voilent la peinture primitive et ne permettent pas que le temps et le contact de l’air purifient les couleurs à fresque posées sur l’enduit humide, ce qui arriverait si on ne les recouvrait pas de retouches à sec.

Antonio, ayant terminé cette œuvre qui, à la vérité, est digne de tout éloge, et dont il fut honorablement récompensé par les Pisans, revint à Florence, où il peignit à Nuovoli, hors la porte de Prato, dans un tabernacle, pour Giovanni degli Agli, une Déposition de croix, une Adoration des Mages et le Jugement dernier, toutes œuvres remarquables [1]. Appelé ensuite à la Chartreuse, il peignit, pour les Acciaiuoli, fondateurs de ce couvent, le tableau du maître-autel[2], qui fut, de nos jours, mis en cendres par l’inadvertance d’un sacristain. Celui-ci, ayant laissé l’encensoir plein de feu attaché à l’autel, fut cause que le tableau prit feu, et que les moines durent remplacer l’autel par celui actuel, qui est entièrement en marbre. Antonio peignit encore à fresque, au-dessus d’une armoire qui est dans cette chapelle, une Transfiguration du Christ, fort belle[3].

Comme son naturel curieux le poussait à rechercher, dans Dioscoride, les qualités des plantes dont il désirait connaître toutes les propriétés et les vertus, il abandonna à la fin la peinture et se mit à distiller les simples. Ainsi de peintre étant devenu médecin, il pratiqua cet art longtemps. Finalement, il mourut à l’âge de 74 ans, les uns disent d’une maladie d’estomac, d’autres en soignant des malades pendant la grande peste de 1384[4]. Il se livra à de nombreuses expériences en médecine et acquit autant de réputation dans cet art que dans celui de la peinture. Il laissa de charmants dessins à la plume et en clair-obscur, qui sont sans contredit les meilleurs de cette époque.

Il eut pour élèves Gherardo Stamina de Florence, qui imita son

  1. Existent encore, en très mauvais état. Au lieu de l’Adoration des Mages, lire la Mort de la Vierge.
  2. Dans la chapelle des Reliques.
  3. N’existe plus.
  4. Voir ci-dessus ; il est encore à Pise, en 1387.