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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/278

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l’histoire, ce qui de fait apprend à vivre, ce qui rend les hommes prudents, vrai but en somme de l’histoire, indépendamment du plaisir qu’on éprouve à revivre, en les lisant, les choses passées. Pour cette raison, ayant pris à tâche d’écrire l’histoire des plus nobles artistes, pour servir l’art dans la mesure de mes forces, et ensuite pour l’honorer, j’ai suivi autant que j’ai pu le même procédé, à l’imitation de si remarquables écrivains, et je me suis efforcé non seulement de dire ce que ces artistes ont fait, mais encore de choisir, tout en racontant, le meilleur d’entre le bon et l’excellent d’entre le meilleur et de noter avec quelque soin les mœurs, les physionomies, les manières, les traits et les fantaisies des peintres et des sculpteurs, cherchant, aussi soigneusement que j’ai pu, à faire connaître à ceux qui ne savent pas tirer cette connaissance de leur propre fonds, les causes et les origines des styles, de l’amélioration et de la décadence des arts, survenus dans diverses époques et dans divers artistes.

En parlant, au début de ces Vies, de la noblesse et de l’antiquité de ces arts, autant que le sujet l’exigeait, j’ai laissé de côté beaucoup de choses dont j’aurais pu me servir, tirées de Pline et d’autres auteurs, voulant, contre l’opinion de plus d’un, laisser à chacun toute liberté de recourir aux sources propres, pour se rendre compte des fantaisies d’autrui. Mais il me paraît convenable à présent de faire ce qui ne m’a pas été permis alors, car je voulais éviter l’ennui et les longueurs, ennemis mortels de l’attention, à savoir, de rendre plus évidente mon intention première et de montrer pourquoi j’ai divisé cet ensemble de Vies en trois parties.

De fait, admettons que la grandeur des Arts provienne chez l’un de son application, chez l’autre de ses études, chez celui-ci de l’imitation, chez celui-là de la connaissance des sciences qui toutes donnent appui aux arts, enfin chez quelques-uns de la réunion de toutes ces qualités prises ensemble, ou delà plus grande partie d’entre elles. Néanmoins, comme dans la vie de chaque artiste en particulier, j’ai exposé assez longuement leurs modes, leur art, leurs styles et les raisons pour lesquelles ils ont pratiqué l’art, ou bien, ou mieux, ou tout à fait bien, à présent je parlerai de toutes ces choses en général, et m’occupant plus particulièrement des conditions des temps, plutôt que de celles des hommes dont je me suis occupé séparément, voulant ainsi ne pas trop entrer dans le détail, j’ai divisé mon ou virage en trois parties, ou plutôt en trois époques, allant de la renaissance de ces arts jusqu’au siècle où nous vivons, à cause de la différence très évidente que l’on remarque entre elles.