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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/283

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les sujets. Stefano, surnommé le singe de la nature, et Tommaso, son fils, surent utiliser et perfectionner grandement le dessin ; ils ne manquèrent pas d’invention en perspective, ils eurent un coloris fondu et uni, tout en suivant toujours la manière de Giotto. Non moins remarquables en pratique et en dextérité furent Spinello Aretino, Parri, son fils, Jacopo di Casentino, Antonio Veneziano, Lippo, Gherardo Starnina, et les autres peintres qui travaillèrent après Giotto, suivant son air, son trait, son coloris et sa manière, qu’ils perfectionnèrent d’ailleurs quelque peu, mais pas au point qu’ils parussent vouloir la faire dévier de son but initial. Ainsi donc, si l’on suit mon raisonnement, on verra que les trois arts étaient restés jusqu’à cette date, pour ainsi dire, à l’état d’ébauche, et qu’ils manquaient absolument de cette perfection qui leur était due. Certes si un mieux n’avait pas dû se produire, les progrès déjà accomplis n’auraient servi à rien, et il n’y aurait pas à en tenir grand compte. Il ne faudrait pourtant pas me croire si niais et doué de si peu de jugement, que de ne pas savoir que les œuvres de Giotto, d’Andrea Pisano, de Nino et de tous les autres que j’ai réunis dans la première partie, à cause de la similitude de leurs manières, que ces œuvres, dis-je, si on les compare à celles des maîtres ultérieurs, ne méritent pas grand éloge ; je m’en suis bien rendu compte quand je les ai louées. Mais si l’on considère les conditions des temps, le manque d’artistes, la difficulté de trouver de bons modèles, on ne les trouvera pas belles, comme j’ai dit, mais réellement miraculeuses ; on aura un plaisir infini à voir apparaître et briller, par instants, la perfection qui commençait à renaître dans les peintures et les sculptures. Certes la victoire remportée par Lucius Marcius, en Espagne, ne fut pas si grande, que les Romains n’aient pas eu à en compter de plus importantes. Mais, eu égard au temps, au lieu, à l’événement, à la personne du général et au nombre des combattants, elle eut un retentissement extraordinaire, et encore maintenant elle ne paraît pas indigne des grands éloges que lui décernèrent les écrivains. De même, pour toutes les considérations ci-dessus, j’ai cru que ces œuvres méritaient non seulement d’être soigneusement décrites par moi, mais encore d’être louées avec l’amour et l’assurance avec lesquelles je l’ai fait. Je crois que ce ne sera pas une lecture fastidieuse pour les artistes, mes lecteurs, d’avoir parcouru ces Vies, d’avoir étudié leurs manières et leurs procédés, ce dont ils ne retireront pas, peut-être, peu d’utilité. J’en serai très heureux, et ce sera pour moi la meilleure des récompenses pour mes peines, étant donné que je n’ai pas eu d’autre but que de leur procurer, tant que j’ai pu, autant d’utilité que d’agrément.