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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/286

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beaucoup d’autres. Il donna du mouvement à ses figures, avec une certaine vigueur et vivacité qui leur permettent de lutter avec les œuvres modernes, et comme je l’ai dit, pareillement avec les antiques.

Le même progrès eut lieu à cette époque dans la peinture, où Masaccio, ce maître excellent, abandonna complètement la manière de Giotto, pour les tètes, les draperies et les édifices, dans les nus, dans le coloris, dans les raccourcis qu’il rénova. Il inaugura ainsi cette manière moderne qui fut suivie par tous nos artistes, dans ces temps-là et jusqu’à nos jours, et qui, d’année en année, fut enrichie et embellie par plus de grâce, d’invention et d’ornements. On le verra en détail dans la vie de chacun, et l’on reconnaîtra une nouvelle manière de coloris, de raccourcis et d’attitudes naturelles ; une plus grande expression dans les mouvements de l’âme et les gestes du corps, avec une recherche évidente de se rapprocher plus de la vérité des objets naturels, dans le dessin ; enfin des physionomies telles qu’elles respirent la ressemblance et qu’elles font reconnaître ceux qu’elles doivent représenter.

Ainsi les maîtres de cette époque cherchèrent à imiter ce qu’ils voyaient dans la nature et rien de plus, et ainsi leurs œuvres en arrivèrent à être plus considérées et mieux comprises. Cela les encouragea à donner des règles aux perspectives, et à les faire fuir, de la même manière que se comportent les objets naturels. Ils allèrent ainsi observant les ombres et les lumières, la projection des ombres et les autres difficultés ; ils composèrent leurs sujets avec plus d’exactitude et de vraisemblance, ils s’efforcèrent de faire des paysages plus semblables à la réalité, avec des arbres, des verdures, des fleurs, des ciels, des nuages et autres choses de la nature. Aussi peut-on affirmer qu’à cette époque les arts non seulement ont crû depuis leur enfance, mais encore qu’ils sont parvenus à la floraison de leur jeunesse, de manière à faire espérer les fruits qui sont survenus ensuite, enfin qu’en peu de temps ils allaient parvenir à l’âge de la maturité.

Commençons donc, avec l’aide de Dieu, la vie de Jacopo dalla Quercia, sculpteur siennois, et ensuite passons à celles des autres architectes et sculpteurs, jusqu’à ce que nous arrivions à Masaccio. Comme celui-ci fut le premier à perfectionner le dessin dans la peinture, il nous montrera quelle obligation nous devons lui avoir, pour la renaissance qu’il a provoquée. Enfin, puisque j’ai choisi Jacopo pour faire de sa vie le début estimable de cette deuxième partie, je continuerai à suivre la progression des manières pratiquées par les différents artistes, et à rendre manifestes, en écrivant leurs vies, les grandes difficultés de ces arts, si beaux, si difficiles et si estimés.