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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/289

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dans cette ville, pour se faire connaître, attendu que le travail devait être alloué à celui qui, dans la composition d’un des compartiments de la porte, aurait le plus fait preuve de savoir et de talent. Il présenta non seulement un modèle, mais le compartiment lui-même, entièrement achevé et poli, qui obtint un tel succès que, si Jacopo n’avait pas eu pour concurrents Donatello et Filippo Brunelleschi, artistes excellents, auxquels à la vérité il se montra inférieur, ce travail, si important, lui aurait été adjugé. Les choses ayant tourné autrement, il se rendit à Bologne, où Giovanni Bentivoglio, qui le protégeait, décida les fabriciens de San Petronio à lui confier l’exécution, en marbre, de la porte principale de cette église[1]. Il résolut de la faire tudesque [gothique], pour rester dans le style de l’église, et remplit l’espace vide entre l’arc et les pilastres qui supportent la corniche, de petits sujets travaillés avec un soin incroyable. Il sculpta de sa main tous les feuillages et les ornements de la porte, qui lui coûta douze ans d’études et de travail. Sur les pilastres, qui soutiennent l’architrave, sur la corniche, et sur l’arc lui-même, on voit cinq histoires par pilastre, et cinq sur l’architrave, en tout quinze bas-reliefs différents, dont les sujets sont tirés de l’Ancien Testament, depuis la Création de l’homme jusqu’au Déluge. Jacopo rendit ainsi un éminent service à l’art, car depuis les anciens maîtres personne ne s’était occupé de la sculpture en bas-reliefs, plutôt entièrement perdue qu’écartée de la bonne route. Sur l’arc de la porte il fit trois statues en marbre, de grandeur naturelle et en ronde-bosse, savoir une Vierge, très belle, tenant l’Enfant Jésus, San Petronio et un autre saint, dont la disposition et les attitudes sont admirables. Après cet ouvrage, Jacopo, appelé avec instances à Lucques, s’y rendit volontiers et y fit, à San Friano, pour Federigo dit Maestro Trenta del Veglia, un bas-relief de marbre qui contient une Madone tenant son fils dans ses bras, saint Sébastien, sainte Lucie, saint Jérôme et saint Sigismond, d’un style, d’une grâce et d’un dessin remarquables. Sur la prédelle, au-dessous de chaque saint, on voit quelques traits de sa vie représentés en demi-relief. Cette œuvre est agréable à l’œil, en ce sens que Jacopo fit fuir, avec grand art, ses figures, en les plaçant sur des plans différents, et en les faisant de plus en plus petites. Il inspira de plus à ceux qui vinrent après lui l’idée de donner à leurs œuvres plus de grâce et de beauté par de nouveaux moyens, en sculptant sur deux plaques de

  1. Giovanni Bentivoglio fut assassiné en 1402, et ce n’est pas lui, mais l’archevêque d’Arli, légat du pape à Bologne, qui appela Jacopo dans cette ville. Le contratest du 28 mars 1425, pour le prix de 3.600 florins d’or. Les figures ne furent sculptées qu’en 1480.