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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/324

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tribus. Toutes ces figures sont remarquables, surtout celles en bas-relief du sujet, qui représente les Hébreux tournant autour des murs de Jéricho, puis faisant tomber ces murs au son des trompettes et s’emparant de la ville. Le paysage va en dégradé et en s’abaissant en perfection, des premières figures aux montagnes, des montagnes a la ville, et de la ville au fond, très peu indiqué, le tout est rendu avec une grande perfection.

Chaque jour, Lorenzo devenait plus habile dans son art, comme on s’en rend compte d’après le neuvième panneau, représentant la mort du géant Goliath, à qui David coupe la tête avec une attitude fière et juvénile et la défaite des Philistins par l’armée de Dieu. On y voit des chevaux, des chars et d’autres engins de guerre. David revient ensuite, tenant la tête de Goliath et le peuple va au devant de lui, en jouant des instruments et en chantant. Tous ces sentiments sont rendus avec promptitude et vivacité.

Enfin Lorenzo montra tout ce qu’il pouvait faire, dans la dixième et dernière histoire, représentant la reine de Saba qui rend visite a Salomon, suivie d’une grande escorte. Il y fit un bâtiment tire en perspective, très beau, toutes les autres figures sont aussi belles que celles des sujets précédents. Je ne dis rien de l’ornementation des plates-bandes qui encadrent cette porte, il y a des fruits et des festins traités avec son ordinaire habileté. Cet ouvrage, dans son ensemble et dans ses détails, montre tout le parti que peut tirer un statuaire du haut-relief, du demi-relief et du bas-relief, de la disposition des groupes, de la variété des édifices, des perspectives et de la différence des caractères chez les hommes, les femmes, les enfants et les vieillards. On peut dire que cette porte est parfaite dans toutes ses parties et que c’est la plus belle chose qui soit jamais vue, tant chez les anciens que les modernes. Un jour que Michel-Ange Buonarroti s’était arrêté pour regarder ces portes, qu’on lui demandait ce qu’il en pensait et si elles étaient véritablement belles, il répondit : « Elles sont si belles qu’elles seraient dignes d’être fixées aux portes du Paradis.» Louange parfaitement juste, et dite par un homme qui pouvait les apprécier. Du reste, Lorenzo n’épargna ni son temps, ni ses peines pour les conduire à bien ; car, il n’avait que vingt ans lorsqu’il les commença et il mit quarante ans à les achever, au prix des plus grandes fatigues[1].

  1. La porte fut terminée en 1447 et mise en place le 16 juin 1452, vis-à-vis du Dôme où se trouvait la première porte qui fut transportée a l’entrée qui est en face de l’œuvre de San Giovanni.