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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/375

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domaine qu’un an et, étant retourné auprès de Piero, il le lui rendit, par contrat notarié, affirmant qu’il ne voulait pas troubler son repos par des soucis journaliers et les plaintes de son fermier qui tous les trois jours venait le molester, une fois parce que le vent avait découvert le colombier, une autre fois parce que son bétail avait été saisi, à cause des taxes de la commune, tantôt parce qu’il n’avait ni vin ni fruits, à cause des mauvaises saisons. Donato était tellement excédé qu’il déclarait vouloir mourir de faim plutôt que d’avoir à penser à toutes ces choses. Piero se mit à rire, devant la simplicité de Donato et, pour le libérer de ces ennuis, il accepta le domaine, comme le voulut Donato et lui assigna sur sa banque une rente de la même valeur ou supérieure, mais en argent comptant, qui lui fut payée chaque semaine en proportion. Il s’en déclara content et acheva sa vie, fidèle serviteur et ami de la famille Médicis, heureux et sans soucis. À l’âge de 83 ans, ses membres se paralysèrent tellement, qu’il lui devint impossible de travailler et qu’il fut même forcé de garder le lit, dans une petite maison qu’il possédait dans la Via del Cocomero, près des religieuses de San Niccolo. Son état empirant chaque jour, il s’éteignit peu à peu et mourut le 13 décembre 1466[1].

Il fut enterré dans l’église de San Lorenzo, auprès du tombeau de Cosme de Médicis, comme il l’avait ordonné, afin que son corps ne fût pas séparé de celui de son ami, près duquel il avait constamment été de cœur et d’esprit. Sa mort affligea profondément ses concitoyens, les artistes et tous ceux, en un mot, qui l’avaient connu, et on lui rendit de plus grands honneurs après sa mort que pendant sa vie. Ses obsèques furent magnifiques ; les peintres, les architectes, les sculpteurs, les orfèvres et presque toute la population de la ville accompagnèrent son corps jusqu’à l’église de San Lorenzo, Il ne voulut pas laisser un petit bien qu’il avait près de Prato à ses parents qui vinrent le lui demander, avant sa mort, et il leur dit qu’il préférait le léguer à son fermier, qui avait travaillé pour lui, plutôt qu’à eux qui n’avaient pensé à lui qu’à ce moment-là.

Il laissa ses études et ses dessins à ses élèves, parmi lesquels on compte Bertoldo, son fidèle imitateur, Nanni d’Antonio di Banco qui mourut avant lui, Rossellino, Desiderio et Vellanode Padoue. En somme, après sa mort, tous ceux qui travaillèrent en relief purent se dire avoir été de ses élèves. Le monde resta plein de ses œuvres ; en

  1. Date exacte, d’après le Livre des Morts de Florence. Sa sépulture disparut en 1547.