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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/41

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travée, lune à droite et l’autre à gauche. Le mischio qui provient des montagnes de Vérone est infiniment plus tendre que l’oriental, et il tire sur la couleur du pois gris. On le travaille aussi bien de nos jours, avec nos outils trempés, que les autres pierres de nos pays ; on en fait des fenêtres, des colonnes, des fontaines, des pavements, des jambages de portes, des corniches. La Lombardie et toute l’Italie en offrent de nombreux exemples.

On y trouve également une autre sorte de pierre, très dure, bien plus rude, toute piquée de points noirs et blancs, quelquefois rouges, d’une même fibre et d’un même grain que le mischio, qu’on appelle communément granit, et dont on trouve en Égypte des pierres d’une solidité et d’une grandeur incroyables. On en voit des échantillons, à Rome, dans les obélisques, les aiguilles, les pyramides, les colonnes, et dans ces grandes cuves à bain, qui sont à San Pietro in Vincola, à San Salvadore del Lauro, et à San Mario, de même que dans une infinité de colonnes, qui pour la dureté et la solidité ne craignent ni le fer ni le feu. Le temps, qui ruine toute chose, non seulement ne les a pas détruites, mais n’a même pas altéré leur couleur. Pour cette raison, les Égyptiens s’en servaient pour en tirer des tombeaux, gravant sur ces monuments, leurs caractères étranges, et relatant la vie des grands hommes, pour conserver la mémoire de leur noblesse et de leurs vertus.

Un autre granit provenait également d’Égypte, gris et dont les noirs et les points blancs tirent plus sur le vert. Il est certes très dur, mais pas au point que nos tailleurs de pierre n’aient pu se servir, pour la construction de Saint-Pierre, des fragments qu’ils ont trouvés, en sorte, qu’avec les fers trempés dont on se sert actuellement, ils ont pu amener les colonnes et les autres objets au point de finesse qu’ils ont voulu, avec un aussi beau poli que pour le porphyre. On trouve de ce granit gris sur plusieurs points de l’Italie, mais le plus solide provient de l’île Elbe, où les Romains eurent continuellement des hommes occupés à extraire de cette pierre, en grande quantité. C’est dans cette matière qu’ont été faites les colonnes du portique de la Rotonde [1], qui sont très belles, et d’une grandeur extraordinaire. On s’aperçoit que, dans la carrière, au moment où on le coupe, il est plus tendre que lorsqu’il a été extrait, et on le travaille alors avec plus de facilité. De vrai, il faut, pour la plus grande partie, le travailler avec des marteaux dont la pointe est analogue aux marteaux

  1. Appelée communément le Panthéon de Rome.