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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/419

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principalement à Cosme et au pape Eugène IV[1], qui aurait voulu lui donner les dispenses nécessaires pour épouser Lucrezia, mais Filippo ne voulut jamais, pour avoir la liberté de satisfaire ses appétits.

Laurent de Médicis voulut plus tard ramener son corps à Santa Maria del Fiore, mais les habitants de Spolète refusèrent de s’en dessaisir, en disant que, à Spolète, il y avait disette d’hommes célèbres, tandis que Florence en regorgeait. Filippino, plus tard, envoyé par Laurent à Rome pour peindre une chapelle, a la demande du cardinal de Naples, passa par Spolète, et éleva à son père, par ordre de Laurent, sous l’orgue de l’église, un tombeau qui coûta cent ducats d’or, et pour lequel Agnolo Poliziano composa une inscription[2].


  1. Cosme était mort vingt-deux ans auparavant et Eugène IV cinq ans avant.
  2. Ce tombeau, qui fut élevé aux frais de Laurent le Magnifique, en 1488, existe encore. D’après les recherches de M. Milanesi, au moment où Fra Filippo Lippi était chapelain des religieuses de Santa Margherita, à Prato, c’est-à-dire en 1456, se trouvaient dans ce couvent les deux filles de Francesco Buti, citoyen florentin, et courtier de l’Art de la Soie, mort en 1450, Spinetta née en 1484, et Lucrezia plus jeune d’un an. On peut supposer que les deux sœurs avaient été mises en religion par leur frère aîné, Antonio, avec la dot exigée de 50 florins d’or, pour n’avoir pas à les marier, à cause de la situation précaire de sa fortune. L’abbesse, sœur Bartolommea de’ Bovacchiesi, d’une vieille famille de Prato, autorisa Lucrezia à poser pour le tableau que Filippo peignait. Suivent l’enlèvement, le 1er mai 1456, et la naissance de Filippino en 1457. Non seulement Spinetta suivit l’exemple de sa sœur, mais trois autres religieuses s’enfuirent également. L’année suivante, nous voyons les cinq fugitives rentrer au couvent et, le 23 décembre 1459, prononcer de nouveau leurs vœux. On a conservé leurs noms : Piera d’Antonio di Vanni Sensi de Prato, Spinetta et Lucrezia, sœurs Buti, Simona di Michele Lottieri, et Brigida d’Antonio Peruzzi de Florence. Sont présents à la cérémonie Donato de’ Medici, évéque de Pistoia, et sœur Jacopa de’ Bovacchiesi, vicaire depuis la mort de l’abbesse Bartolommea, sa sœur. L’acte notarié nous donne la formule que les sœurs repenties prononcèrent : Et solepniter promiserunt — habentes in manibus et legentes quandam cedulam — stabilitatem conversionem suorum morum et castitatem et obedientiam debilam, secundum regulam et ordinem dicti monasterii — facere et observare. Mais ces vœux ne devaient pas être bien sincères, car nous savons par une accusation secrète lancée en mai 1461, que les deux sœurs Buti avaient de nouveau rejoint leurs amants, Ser Piero d’Antonio Rocchi, notaire de Prato, et Filippo Lippi. Grâce à l’entremise de Cosme de Médicis, le pape Pie II, la même année, autorisa Filippo à garder Lucrezia comme femme légitime. Elle continua de vivre avec lui, et lui donna en 1465 une fille, Alessandra, que Filippino, son frère, maria, en 1487, à un certain Ciardo di Giuliano Ciardi, de Tavola, petite localité proche de Prato.