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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/44

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en revenir aux carrières de Pietrasanta, je dirai que les anciens y puisèrent continuellement ; ces maîtres excellents n’employèrent pas d’autres marbres pour faire leurs statues. Tandis qu’on extrayait les blocs destinés à leurs statues, ils s’exerçaient continuellement à faire des ébauches de figures sur la paroi même de la carrière ; on en voit encore les traces en maint endroit. Les modernes en tirent également leurs statues non seulement pour l’Italie, mais encore on envoie des blocs en France, en Angleterre, en Espagne et en Portugal. C’est ainsi que, de nos jours, Giovan da Nola, excellent sculpteur, éleva à Naples le tombeau de D. Pietro de Toledo, vice-roi de ce royaume, avec des marbres qui lui furent donnés et envoyés à Naples par le duc Cosme de Médicis[1].

Cette sorte de marbre a plus de solidité, il est plus pâteux et plus fin à travailler que les autres marbres, enfin on lui donne un poli bien plus beau. Il est vrai qu’il arrive quelquefois au sculpteur de tomber sur un œil et de voir ses outils s’y briser. On ébauche ces marbres avec un instrument appelé subbia qui a la pointe affûtée de court et en forme de fer à facettes ; la grosseur en est variable. Le travail se continue avec des ciseaux appelés carcagnuoli qui ont une entaille au milieu du tranchant, et ensuite avec des ciseaux de plus en plus fins, qui ont plus d’entailles, et l’on incise après avec un autre ciseau, quand le marbre est arrondi. Ces fers s’appellent des gradines, parce qu’avec eux on procède comme par gradins, et en réduisant peu à peu la figure. Ensuite avec des limes de fer, droites et courbes, on fait disparaître les gradins restés sur le marbre. En adoucissant après avec la pierre-ponce, on obtient la fleur de la pierre que l’on veut. Tous les trous se font, pour ne pas faire éclater le marbre, avec des trépans de grandeur variable, pesant douze livres et quelquefois vingt. Il en faut de plusieurs sortes, suivant la grandeur du trou, et pour terminer entièrement le travail. Les marbres blancs, veinés de gris, servent aux sculpteurs et aux architectes pour des ornements de portes et des colonnes destinées à divers édifices. On peut également en faire des pavements, des incrustations et s’en servir pour d’autres travaux. Il en est de même de tous les marbres mischiati.

Les marbres cipollins sont d’une autre espèce, différents de grain et de couleur, et on n’en a pas encore trouvé ailleurs qu’à Carrare. Ils tirent sur le vert, sont pleins de veines et servent à différents

  1. Église Sar Jacopo degli Spagnuoli ; tombeau en place.