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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/46

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tels que les Colisées et l’Erario de Saint-Cosme et Saint-Damien. Ils la plaçaient en grande quantité dans les fondations. Quand ils la travaillaient, ils ne s’attachaient pas à lui donner du fini ; au contraire, ils la taillaient grossièrement, ce qu’ils faisaient peut-être trouvant en cela une certaine grandeur et majesté. Mais de nos jours on l’a travaillée plus soigneusement ; nous en avons un exemple dans le temple rond, non terminé sauf le soubassement, qui est sur la place Saint-Louis-des-Français à Rome. Il a été commencé par un Français, nommé maître Jean, qui étudia l’art de la sculpture d’ornement à Rome, et y excella au point d’être chargé de cette œuvre qui pouvait égaler les meilleures constructions anciennes et modernes faites dans cette pierre. Il y a sculpté des sphères d’astronomie, des salamandres au milieu du feu, qui sont les armes royales, des livres ouverts montrant leurs pages, des trophées et des masques, tous travaillés avec grand soin. Tous ces ornements témoignent de l’excellence de cette pierre, et de la facilité que l’on a de la traiter comme le marbre, malgré sa rusticité. Elle offre en elle une grâce spéciale, par suite de son apparence spongieuse, qui est belle à voir. Ce temple inachevé fut rasé par la nation française ; les pierres et les ornements prirent place dans la façade de l’église Saint-Louis, et en partie dans quelques chapelles où elles font très bon effet. Cette pierre est bonne pour élever des murailles, étant facilement équarrie et chantournée. On peut l’incruster de stuc et y tailler les ornements que l’on veut. C’est ce que firent les anciens aux grandes entrées du Colisée et ailleurs, et c’est ce qu’a fait de nos jours Antonio da San Gallo dans la salle du palais papal qui précède la chapelle et qu’il a construite en travertin, incrusté de stuc et sculpté d’ornements variés. Mais plus qu’aucun maître Michel-Ange Buonarroti a ennobli cette pierre, dont il s’est servi pour orner la cour du palais Farnese ; avec un jugement merveilleux, il en a fait faire des fenêtres, des masques, des consoles et tant d’autres motifs originaux, tous travaillés comme on fait le marbre, en sorte qu’on ne saurait voir plus belle ornementation de ce genre. Et si ces choses sont remarquables, la grande corniche qui couronne la façade antérieure du même palais est encore plus extraordinaire, car on ne peut désirer de chose plus belle, ni plus magnifique. Michel-Ange a composé également dans la même pierre certaines niches à l’extérieur de Saint-Pierre, et dans l’intérieur, la corniche qui forme le tour de la tribune, et qui est faite avec tant de fini qu’on ne saurait voir les joints des pierres, et que chacun peut en déduire les services que cette pierre est appelée