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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/52

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les autres ordres. Non seulement les Grecs, mais encore les Romains dédièrent ces sortes d’édifices à leurs grands hommes qui portèrent les armes, tels que les chefs d’armées, les consuls et les préteurs, à plus forte raison à leurs dieux, tels que Jupiter, Mars, Hercule et autres. Ils avaient grand soin de différencier la construction, suivant la destination à lui donner, la faisant unie ou ornée, simple ou riche, de manière que l’on pût discerner le rang et la dissemblance des empereurs ou de ceux qui faisaient construire. Aussi voit-on, par les monuments des Anciens, qu’ils usèrent de beaucoup d’art dans la composition de leurs constructions, et que la distribution des corniches doriques a beaucoup de grâce, ainsi qu’une grande union et beauté dans ses membres. On voit encore que les proportions de leurs fûts de colonnes doriques sont très bien entendues, n’étant ni trop gros ni trop grêles, ressemblant, dit-on, au corps d’Hercule, et ayant un aspect robuste très apte à soutenir le poids des architraves, des frises et des corniches, ainsi que du reste de l’édifice qui les surmonte. Cet ordre ayant toujours beaucoup plu au duc de Cosme, comme étant plus sûr et plus solide que les autres, il a voulu que la construction qu’il me fait élever, avec une grande richesse d’ornementation, pour treize magistrats civils de son État, à côté de son palais et jusqu’au fleuve de l’Arno, soit d’ordre dorique[1]. Pour remettre en usage le vrai mode de construction qui veut que les architraves soient posées à plat sur les colonnes, au lieu de commettre l’erreur de faire retomber les arcs des galeries sur les chapiteaux, j’ai suivi, pour la façade antérieure, le vrai mode dont se servirent les Anciens, comme on peut le voir dans cet édifice. Cette manière de faire a été évitée par les architectes passés, parce que les architraves de pierre dont on se servait, soit anciennes, soit modernes, étaient toutes, ou pour la plupart, brisées par le milieu, bien que les arcs de briques pleins ne portassent que sur le droit des colonnes, des architraves et des corniches, et par conséquent ne surchargeassent pas les architraves. Après avoir tout examiné, j’ai finalement trouvé un excellent mode permettant, avec une entière sécurité pour les architraves qui ne souffrent en aucun point, de faire en sorte que l’ensemble soit aussi fort et aussi sûr qu’il soit possible de le souhaiter, comme l’expérience l’a démontré. Le mode que j’ai employé est le suivant, que je donne, pour servir à tout le monde et aux artistes. Les colonnes étant dressées et les architraves étant posées sur les chapiteaux de manière que leur joint porte sur le

  1. Il s’agit du Palais des offices.